A QUI APPARTIENT CETTE HISTOIRE ? (15 février 2011)

A QUI APPARTIENT CETTE HISTOIRE D'UN GRAND PORTRAIT ?

Je la recopie telle que je l'ai reçue mais j'aimerai bien retrouver son auteur…

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Un jour, on m’a demandé de donner un cours d’acupuncture à l’Institut de Kiev pour le perfectionnement des médecins. J’ai passé en revue les ouvrages spécialisés et préparé des affiches et des schémas. Mais il s’est avéré qu’il manquait une petite chose : la représentation de l’oreille à partir de laquelle je devais présenter les points où appliquer les aiguilles.

Voilà qu’une grande idée m’est venue : je me suis rappelé qu’à la sortie de la station de métro “ Ma¿dan Nezalezhnosti ” (Place de l’indépendance) se trouvent des graphistes de rue qui gagnent leur l’argent en peignant : ils font des portraits pour 20 grivnas. Quelle différence pour eux, ai-je pensé, que de dessiner différentes parties du corps, que ce soit le visage ou autre chose. Qu’ils me dessinent une oreille pour 20 grivnas !

Je me suis donc rendu là-bas. Il y en avait trois qui étaient installés devant leur chevalet et observaient les passants sournoisement. Je me suis approché de l’un d’eux : «Je voudrais commander un petit dessin».  Il m’a longuement regardé, vous savez, de ce regard qu’un peintre peut jeter, doublé d’un léger mépris et sans afficher d’intérêt particulier : « Vous le voulez de face ou de profil ? » a-t-il demandé. «De profil, lui ai-je murmuré, mais juste une oreille, rien d’autre. Et de plus grande dimension, s’il vous plaît ». Il m’a alors regardé avec une certaine considération : « Ah, oui ? De dimension, vous dites, plus grande ? ».  J’ai lu dans ses yeux qu’il en avait vu des dérangés, mais des comme moi, c’était la première fois. Il m’a examiné encore une fois, et m’a dit : « Vingt grivnas ! ». « Pas de problème » ai-je répondu. Il m’a demandé de m’asseoir sur l’escabeau.

Sans doute avez-vous déjà remarqué que les peintres de rue installent leurs clients de manière à ce qu’ils tournent le dos au public. Ainsi, les passants peuvent voir tout le processus de création du dessin, leur faisant ainsi une sorte de publicité. Celui-ci a fait exactement le contraire. Il m’a installé plus près du public et lui-même s’est assis le carton à la main et le dos appuyé contre le mur pour que personne ne puisse voir ce qu’il y reproduisait. Il s’est mis à travailler. Quant à moi, j’étais assis complètement de profil à lui, pour qu’il voie mon oreille...

À ce moment-là, son collègue peintre, qui était assis à côté, s’est approché de nous. Une fois près de moi, il m’a fixé du regard et a dit : « Oh ! Vous êtes très photogénique ! Et charismatique ! Vous savez, je vais moi aussi vous peindre. Si vous aimez ma toile, vous pourrez l’acheter. Si non, je la garderai. Il n’y a aucun problème. Ok ? ». «Ok » ai-je répondu. Et il s’est mis à dessiner. Pas l’oreille bien sûr, mais le corps entier, comme il se doit. Sur ce, le troisième peintre, qui était assis de l’autre côté, lui a lancé : « Monia ! Tu ne fais que barbouiller le papier ! Je vais te montrer comment il faut dessiner le charisme ! ». Et le troisième peintre s’est également mis à ébaucher mon portrait, n’ayant rien d’autre à faire car il n’y avait aucune commande ce jour-là. Les passants qui ne cessaient de défiler se sont aperçus que quelque chose d’inhabituel se passait : trois peintres esquissaient un client...

Curieux, les gens s’arrêtaient, commentaient, examinaient en détail, regardaient qui des artistes étaient le meilleur. Mais seuls deux portraits étaient visibles, le troisième, qui était tourné vers le mur, non. Le public était intrigué « qu’est-ce que cela pouvait être ? » Les gens ont commencé à encercler le peintre qui dessinait mes deux oreilles. Ils voulaient évidemment voir le dessin. Mais le peintre s’est redressé contre le mur et a crié : « Ne m’empêchez pas de travailler ! ». Et il les a tous chassés d’un geste de la main. Les gens se sont écartés. Mais ils demeuraient là, dans l’attente. Ils attendaient de pouvoir regarder le portrait qu’il avait dessiné.

Quelque temps après, les trois peintres avaient achevé leur travail. Celui qui avait dessiné l’oreille a jeté un bref regard sur le dessin et l’a roulé en tube ! Il souhaitait me rendre son chef d’œuvre de telle manière que le public ne le voie pas. Eh, oui ! J’avais raté une occasion de me produire ! Je me suis levé de la chaise et ai saisi l’un des portraits : « Pas mal, pas mal ! » ai-je dit à l’adresse de l’auteur. À mon avis, vous êtes celui qui est parvenu le mieux à reproduire la courbure du nez. On y sent la perspective ! Le mouvement ! Mais... d’un autre côté... Mmm... (en prenant le ton d’un connaisseur), votre reproduction est trop... concrète... et je voulais quelque chose de moderne ! De post-moderne, comme on dit... Mais, c’est bon, je le prends. ». 

Je lui ai donné 20 grivnas et ai saisi le deuxième portrait : « mm... bien... Le tout est... original, vous savez ? Original... Il y a du post-modernisme, vous savez ? C’est présent, tout à fait présent... Mais cela manque de symbolisme, le symbole devant refléter mon âme. Je ne le prendrai pas pour 20 grivnas, par contre, si pour dix... ». Il a été d’accord. Je lui ai donc donné 10 grivnas, et finalement, j’ai déroulé le dessin de l’oreille pour le montrer au public : « Admirable ! » ai-je dit. « Admirable ! C’est absolument ce que je voulais. Dans ce portrait, vous avez saisi mon âme... Mon alter ego ! Merci ! Picasso pourrait envier ce travail ! Vous êtes un véritable talent ! Un génie ! ». J’ai serré la main artistique du peintre, lui ai donné 20 grivnas et suis parti vers le métro.  Le public s’est écarté silencieusement pour me laisser passer.

 

21:25 Écrit par Ventura's blog | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |