Cher futur artiste,
Je te remercie pour ta longue dernière lettre. Je vois avec satisfaction que tu t’intéresses à la peinture mais je me dois de t’apporter quelques commentaires, rectifications ou mises au point. Tu as rencontré le peintre Buffet au restaurant de la gare. Quelle coïncidence ! Tu as vu à la télévision une émission sur Toulouse-Lautrec.
Je comprends que tu aies été déçu si tu t’attendais à voir un match de rugby ! Je suis content de savoir que tu as un bon copain peintre qui te conseille aussi et qui est très gentil… J’aime beaucoup quand tu dis, sans le faire exprès : « Mon ami, quel ange ! » Des goûts et des couleurs, il ne faut pas discuter. Tu aimes Lebrun ; moi, je préfère Renoir.
Tu me dis que tu aimes Raphaël (avec modération), mais que tu maudis…Gliani et que tu supportes Monet. C’est ton droit. Moi, j’ai un penchant pour Courbet. Claude Monet n’a jamais perdu son temps et il était bien français, malgré le proverbe anglais qui dit : Time is Money. Je ne sais pas si, comme tu l’écris, Fernand Léger ne faisait pas le poids, mais ta plaisanterie est un peu lourde. C’est vrai, « les Glaneuses » et « l’Angélus » de Millet ont été beaucoup reproduits. Sa famille n’a pas assez veillé au grain.
Léonard de Vinci était bien florentin mais sa mère n’était pas Véronèse, (tu dois confondre). Non, le douanier Rousseau n’a rien à voir avec Jean-Jacques. Si tu le croyais, toi aussi tu es naïf. (A propos de ce douanier, je n’ai rien d’autre à déclarer.) Contrairement à ce que tu affirmes, Braque n’était pas étourdi ou écervelé et je t’assure que Miro avait une bonne vue. Ingres jouait du violon mais Géricault ne jouait pas de la trompette.
Pour peindre, je te conseille la peinture acrylique, ce sera plus facile. Rappelle-toi : « L’acrylique est aisée, et l’art est difficile. ».
Je précise que ce texte n'est pas de moi. Il m'a été remis, il y a quelques années, par une amie du Pas-de-Calais pour laquelle un peintre et poète "des gens du Nord" l'avait écrit.